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DE L’IMAGE AU COLLAGE (texte de Pierre-Yves Desaive, critique d’Art)

Formé à la bande dessinée à Saint-Luc Bruxelles, Frédéric Thiry aborde avec un même bonheur des domaines très divers: illustration, publicité, livres pour enfants, … des oeuvres reconnaissables entre toutes (voir ses couvertures pour le « 7ème soir »), qu’il englobe modestement dans la catégorie des travaux professionnels.

C’est que Frédéric Thiry cultive un jardin plus secret, le versant proprement artistique de sa production. Dès ses débuts dans le neuvième art, il entreprend d’explorer un moyen d’expression qui lui tient à cœur, le collage. Tout comme la mise en couleur des planches nécessite l’intermédiaire d’un « bleu » superposé (ceci aux temps préhistoriques qui ont précédés l’apogée de l’infographie…), Frédéric Thiry conçoit des « dessins » composés de multiples couches superposées, qui leur donnent une profondeur étonnante – mais bien difficile à reproduire. Il réalise par la suite des œuvres indépendantes, qui conservent le souvenir d’une case dessinée, fragments de récits dans lesquels le lecteur est invité à se projeter.

Les compositions semblent tracées au pinceau, et s’articulent autour de masses sombres ou colorées, mais… tout cela est du collage. « Chaque papier collé peut correspondre à un passage en sérigraphie et chaque déchirure ou découpe s’apparente à de la gravure plus ou moins brute », explique l’artiste. La technique, très élaborée, fait appel à la notion de recyclage : vieux journaux et magazines, partitions musicales, autant de papiers issus de fonds de grenier, qui trouvent là une deuxième vie. Les sujets, « moments lents, souvenirs de vacances ou rêves », que chacun a le sentiment d’avoir vécu, sont en parfaite adéquation avec l’aspect vieilli, jauni par le temps, du support. L’étape suivante a consisté à littéralement sortir les personnages du cadre, pour leur conférer une existence propre dans l’espace.

Lors de son exposition « Never ending summer » (Bruxelles, 2001), Frédéric Thiry conçoit une véritable installation qui bouleverse les lois de la perspective, composée d’un tableau-collage représentant une jeune fille qui semble sur le point de sortir de la composition, tandis qu’un homme l’observe de l’extérieur ; la silhouette de ce personnage masculin grandeur nature est formée d’une âme de bois, tandis que les papiers collés lui donnent son volume. Tel saint Thomas, le spectateur ne pourra s’empêcher de toucher la surface pour se convaincre qu’il ne s’agit pas d’un dessin au trait, mais bien d’un collage… Le fond se compose de fragments de cours de la Bourse, un univers que la jeune femme semble vouloir fuir. Ce rapport étroit entre le support et le sujet est inhérent à cette série : morceau de journal proclamant « Les vacances » sur le corps (vert !) de cette baigneuse, dialogue issue d’une publicité pour une grande marque de vêtement sur le manteau de cette femme qui évoque la pose d’un mannequin, …

Les visages, typés, évoquent le style « ligne claire » et, par delà, les années soixante – un aspect rétro renforcé par l’utilisation de papiers recyclés. Les postures sont variées (voir l’étonnante femme assise à califourchon sur une chaise), et une série se focalise sur le visage des personnages : galerie de portraits à mi-chemin entre le dessin, le relief et la sculpture.

Pierre-Yves Desaive, 2005





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